Le Midanina

Ils étaient tous sur un même bateau. Ce navire s’appelait le Midanina.

A bord, on y trouve des humains! Une espèce particulière, qui peut passer des nuits à danser, à chanter et faire de la musique avec toutes formes d’instruments ! Une espèce particulière capable de marcher sur deux pieds avec la tête en l’air! Une espèce qui a perdu la mémoire. Une espèce qui se retrouve dans l’ignorance même de la source de ses respirations : les forêts et les végétaux de la mer…

Ils étaient des centaines de milliers, tous ensemble, sur ce même bateau. Ils avaient des histoires partagées. Une communauté du vivant avec chacun sa place, son histoire, et des morceaux de passé parfois sombres, parfois joyeux … Il y avait des misérables et des illuminés, des curieux, des bavards et des moins bavards, des gourmands, et des moins gourmands, des gentils et des moins gentils !

Il y avait une chose, une seule chose qui les rassemblait tous : quelques soient leurs histoires, leurs milieux et leurs origines. Cette chose unique, c’est qu’ils vivent ensemble, sur un même bout de terre en mouvement, au milieu d’un océan d’eau salée.

Ils n’ont peut-être pas la même mère, mais celle qui les enlace, c’est la même mer. Elle est là, tout autour, elle les rassemble. Pour certain, c’est l’amertume, pour d’autres la merveille.

Sur ce bout de terre en mouvement, ils n’étaient pas seuls. Loin de là. Il y avait aussi beaucoup d’autres formes de vie : des oiseaux, des insectes, des crabes, des arbres, des fougères, des baleines, des étoiles de mer, des concombres de mers.. oui oui! Pas besoin de faire cette tête! Il y a des concombres dans la mer, c’est là, une vérité véridiquement vraie ! En voici la preuve : un concombre de mer, schizophrène, qui se prénomme l’ananas! Pourquoi faire simple ?

La croisière avançait à très vive allure depuis quelques temps, les moteurs tournaient à plein régime. Souvent, il y avait eu des mutineries à bord. Des petits coups d’éclats. Des gens mécontents du cap choisit par les commandants, ou de l’organisation à bord. Toutes ces mutineries ne changeaient par grand chose. Le Cap, ils étaient nombreux à vouloir le maintenir. La vitesse aussi.

Pour avancer, ils utilisaient un jus tout noir, et ce jus noir, il permettait de rendre beaucoup de gens très riches et puissants.

Pour faire avancer ce bateau, il fallait des tonnes de litres de ce jus extrait dans les profondeurs abyssales des océans ! De petits organismes vivants que l’on appelle le plancton (et dont se régalent les baleines), fossilisent, et deviennent ce fameux jus que l’on appelle : le pétrole!

Dans le carré des commandants, ils sont plusieurs à manœuvrer ! Ils choisissent le cap, la vitesse de route et ils programment les manœuvres. C’est eux qui ont la visibilité, ils regardent l’horizon… enfin, à ce qu’on pourrait croire ! En vérité, certains ne voient pas plus loin que le petit bout de leur nez, d’autres voient très floues, et pour d’autres, la vision est toute tordue ! Même dans le carré du commandant, les visions restent parcellaires et multiples.

Sur le pont, chacun vaque à ses occupations ! C’est qu’il y en a des activités à bord !

Des cuisiniers, des planteurs, des cueilleurs, des pêcheurs, des soigneurs, des poètes, des penseurs, des danseurs, des promeneurs, des visiteurs…

Et même, parmi tout ceux-là, il y a Ti Emire et Tite Olivette ! Deux enfants, amis depuis toujours, depuis bien avant de savoir parler, et même, bien avant de savoir baver … c’est dire s’ils étaient amis de longue date!

C’est eux, qui la première fois, virent la forme, l’obstacle qui se dressait devant eux ! C’était un jour de brume des sables, ce filet de sable qui traverse l’Atlantique depuis les déserts d’Afrique, arrive sur la Caraïbe et floute l’’horizon. Et c’est là, qu’ils ont découvert cette chose, l’étrange chose, l’immense chose.

Ils étaient à l’avant du bateau, tous les deux, et comme toujours, ils s’amusaient et riaient, tout en regardant la mer… Ils adoraient admirer le balai qu’offrait le vol des pélicans, des poissons volants et des pailles-en-queue. Ils regarder ce spectacle de la vie, en mangeant un délicieux cinobol, en se racontant des histoires …

A travers le filet de sable, Ti Emire vit une grosse masse foncée. Tite Olivette ne vit rien au début, et c’est en forçant fort sur ses deux petits yeux ronds, elle découvrit la chose immense, la chose étrange, droit devant : Une chose si haute qu’elle en faisait même de l’ombre aux nuages. Ils coururent avertir leurs familles.

– J’ai vu une montagne énorme, plus grande que la Montagne Pelée, plus grande que toutes les montagnes, et nous allons droit sur elle si nous gardons ce cap ! Maman, il faut faire quelque-chose ! Vite, il faut prévenir ceux qui sont à la manœuvre ! Mamannnnn!!!!
– Mais oui mon petit, c’est bien d’avoir de l’imagination…

La maman ne quittait pas son journal des yeux. Elle caressa machinalement la tête de son enfant « Ah la belle imagination de l’enfance… ».

Personne ne semblait les croire… tellement, qu’ils finirent pas penser eux-mêmes que cette vision était le fruit de leur imagination. Cette imagination de l’enfance.

Quelques jours plus tard, c’est le poète Silvère, du Morne Calebasse, qui découvrit cette immensité. Puis d’autres eurent également cette vision…

A bord, on les prenait pour des fous, des originaux! Des fous plein de folies folles qui se mélangeaient les pinceaux dans leur calebasse de cervelle ! Si vraiment c’était vrai, on le saurait!

Petit à petit, la rumeur enflait à bord, et de plus en plus de personnes observaient cette immensité qui se dressait sur leur route comme un mur sans fin descendus des étoiles, comme une fin d’un monde… Mais les autres n’écoutaient pas. Ils avaient trop à faire, à construire, à compter, à diriger… ils n’avaient même pas envie d’imaginer que cette histoire fût possible tant ils n’avaient pas envie de changer de Cap, ni de ralentir la course du bateau ! C’est à dire, qu’il en faut de l’énergie pour manœuvrer un bateau si grand.

Il a fallu attendre que la chose immense soit devant le bout du nez pour que les capitaines puissent enfin l’observer et frôler l’arrêt cardiaque ! Mais c’était déjà bien trop tard…

– Nous sommes perdus… impossible de dévier pour éviter ce monstres! Nos moteurs ne sont pas assez puissants, nous ne pourrons pas y arriver. Nous allons sombrer, corps et âmes…
– Nous devons informer l’ensemble de l’équipage et des passagers de la situation.

A l’annonce de la nouvelle, la panique gagna le bord ! La mer n’a pas de branches ! La mer n’a pas de branches ! Tout le monde doit apprendre à nager ! Les leçons s’improvisèrent partout… nous allons sombrer !
– Impact dans 7 jours ! Préparons-nous au pire !

La manœuvre pour effectuer un virage serré fût tout de même lancée, malheureusement, il est difficile de diriger un si grand et lourd bateau !

Ti Emire et tite Olivette, avec de nombreux autres habitants décidèrent de trouver toutes les solutions pour aider à la manœuvre ! La maman de Tite Olivette :
– Nous sommes si nombreux à bord ! Si nous prenons tous une rame, nous pouvons modifier le cap plus rapidement !

L’ensemble des habitants s’exécuta, avec une rame pour aider à la manœuvre. C’était fabuleux, le bateau a pu faire une belle rotation sous l’impulsion de l’ensemble des rames. Mais pas suffisamment.

Ti Olivette eut une idée! Elle se hâta dans la mangrove, afin de demander aux forêts de la mer d’aider à la manœuvre :

-Et pourquoi, vous aiderai-je? Répondit le Palétuvier. Vous autres les humains n’avaient cessé de m’envoyer des eaux impropres, des tonnes de choses abîmées !

– Nous avons besoin de vos racines échasses puissantes pour sauver le Midanina. Tous les habitants sont en péril.

Après un moment d’hésitation, tous les palétuviers de l’île plantèrent leurs racines échasses pour aider à la manœuvre. Le navire tourna un peu, ce qui donna du courage à tous les habitants qui ramaient sans relâche.

– On y est tous et pourtant, ce n’est pas encore suffisant !
– Mais oui tu as raison ! Tu es toujours plein d’idées lumineuses!
– Hein ? Mais je n’ai rien dit !
– Mais oui, tu te souviens de l’histoire des amérindiens ! C’était un immense feu dans les forêts amazoniennes, et le pélican regarda avec étonnement le petit colibri prendre une petite goutte d’eau dans une mare pour aller la déverser sur l’immense feu ! Le pélican trouvait ça ridicule,et quand il lui demanda pourquoi il faisait cela, le Colibri avait répondu qu’il faisait simplement sa part! Et du coup, tous les animaux se mirent à tenter d’éteindre le feu…
– Oui, oui, je me souviens, tu vas pas me la refaire là, tu vois pas que je rame? Bon et alors ? Le rapport?
– Et alors? Mais c’est évident!

-Non!

-Si!

-Non, je ne vois toujours pas.

– Les colibris !

-Tu penses vraiment que le plus petit oiseau du monde peut nous aider dans cette affaire de gros muscles?

– Ils sont nombreux à bord, et ils ont des capacités incroyables pour faire des demi-tours avec leurs ailes rapides ! Ils peuvent faire 100 battements par seconde avec leurs ailes, 100 km/h, 1000 battements de cœur par minute! C’est l’espèce de tous les miracles! On pourra faire un virage beaucoup plus serré et éviter la chose étrange … En plus, ceux sont les seuls oiseaux à pouvoir voler en arrière, si on a un soucis, ça peut toujours aider!

– Un soucis? Je crois qu’on en a déjà un de grande taille! Je ne vois pas comment on pourrait faire pire!

C’est alors, que tous les colibris s’y mirent, et les autres animaux aussi : les pailles-en-queues, les pélicans, les baleines à bosses, les cachalots, les tortues marines, les raies… Toutes les espèces se serraient les coudes, les pattes, les nageoires, les ailes, les dents et les oreilles!

Ils y étaient presque arrivés, il ne manquait qu’un petit chouïa… et c’est là, qu’elles arrivèrent, les sirènes, accompagnées de tous les animaux disparues des mers : les lamantins, les phoques moines… ils se mirent à pousser également. C’était un moment magique emprunté au royaume des songes. Ce balai, cette musique commune, toutes les espèces réunies qui unissaient leurs forces. Les efforts étaient si soutenus qu’il n’y avait plus que le bruit de la mer et de la manœuvre, et les respirations. Plus personne ne parlait. Même les bavards se taisaient.

A quelques centimètres près, le bateau réussit à éviter l’immense montagne des mers. Ils passèrent tellement proche qu’ils virent de quoi était composée la montagne.

Une montagne de milliers de choses, de bidons d’huile, de bouteilles, de plastiques, de verres, de chaussures, de voitures …

Ils observaient la chose étrange. Chacun pu reconnaître quelque-chose qui lui appartenait : une machine à laver cachée dans une mangrove, des bidons de toutes sortes, des casiers et filets de pêche, des bouteilles, des cannettes, des mégots, des couverts, des sacs plastiques, des pots de peintures, des pièces de voitures, des morceaux de bateaux… chacun pu voir un bout d’une chose qu’il avait, un jour, laisser partir en mer …

C’est alors que les sirènes brisèrent le lourd silence : Nous vous avons aidé, maintenant, nous avons un service à vous demander. Nous autres, les âmes de l’océan, nous avons disparu depuis bien longtemps. Aujourd’hui, nous ne sommes là que pour peupler l’imaginaire, et nous ne souhaitons pas que notre sort devienne le vôtre …Le destin du vivant est entre vos mains, nous vous souhaitons une belle manœuvre !

Le bateau fût totalement transformé par cette aventure :

Des milliers d’arbres fruitiers ont été plantés, si bien qu’il y avait beaucoup moins de terres emportées par les pluies vers la mer, alors l’eau est redevenue transparente dans de nombreuses zones ! Il n’y eut plus jamais de produits chimiques. L’énergie des vents, des eaux, et du soleil suffisait à la vie quotidienne ! Plus aucun déchet ne fût jeter au sol, en mangrove ou en mer ! C’était une autre époque, le week-end où on organisait des ramassages de déchets sur les plages! Une époque révolue d’un autre temps!

Les mangroves, les herbiers, les coraux furent tellement en forme, que des milliers de poissons, de lambis, d’oursins s’y sont réinstallés! Pour le plus grand bonheur des gourmands et des curieux !

La vie à bord de Midanina fût douce. Ti Emile et Tite Olivette, profitèrent de merveilleux moments sous l’eau avec leurs enfants. Maintenant que la mer a des branches…

Comme quoi! Il ne faut pas toujours écouter les personnes qui semblent les moins fadas, ils n’ont pas toujours la raison …

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4 réponses à Le Midanina

  1. Mamée bateaux dit :

    Merveilleuse histoire de la vie. Un cap à suivre tout simplement merci pour ce très beau texte fait de vérités toujours plaisantes à se raconter.

  2. Cynthia dit :

    Magnifique <3

  3. Charline dit :

    Excellent !!!! J’adore !!

  4. Papillon dit :

    Belle histoire a raconter aux enfants afin qu’ils continuent à diriger le Madinina vers le bon cap. J’adore, bravo.

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